GUINÉE : ENCORE UN RENDEZ-VOUS MANQUÉ

Encore un rendez-vous manqué ! pourrait-on dire au regard de la tournure prise par l’élection présidentielle en Guinée.
Selon les résultats annoncés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Alpha Condé a remporté les élections avec 59%. Le professeur Condé concrétise ainsi son immoral projet de 3è mandat dès le premier tour. Mais à vrai dire nous sommes loin d’une surprise car la forfaiture était là présente et prévisible dès le référendum constitutionnel du 22 mars 2020.
Condé, de l’opposant à l’autocrate
Opposant historique de Sékou Touré et Lassana Conté, Alpha Condé, figure politique jadis très respectée ne s’est donné aucune limite dans sa descente vers les bas-fonds de l’autocratie. A l’épreuve du pouvoir, le professeur Condé a versé dans un centralisme et un culte de la personnalité, dignes des dictateurs qui l’ont précédé.
Après Lassana Conté et la parenthèse Dadis Camara, le rêve d’une virée vers la démocratie et l’état de droit suscité par la présidentielle de 2010 s’est vite mué en cauchemar par la faute du professeur Condé. Après sa victoire très contestée en 2010 au second tour face à Cellou Dalein Diallo, le président Condé n’a eu de cesse d’user des tares (manipulation de la fibre ethnique, instrumentalisation de l’armée, tripatouillage de la Constitution, sabotage du calendrier électoral…) de ses prédécesseurs pour consolider sa mainmise sur la Guinée.
Combien de jeunes Guinéens partisans de l’opposition et de la société civile sont tombés sous les balles des forces de l’ordre au gré des manifestations populaires au cours de ces dix dernières années ?
La présidentielle du 18 octobre n’a pas bien entendu déroger à cette règle de la violence meurtrière. Au moins dix morts, selon les médias internationaux, sans oublier bien entendu le confinement imposé manu militari à Cellou Dalein Diallo. Une nouvelle fois, Alpha Condé a vaincu sans gloire et sans honneur grâce à une armée et une CENI aux ordres.
L’UFDG de Cellou Dalein Diallo, qui conteste bien entendu les résultats va pour la forme saisir une Cour Constitutionnel veule, inutile et acquise à la cause du pouvoir comme c’est toujours dans ces anciennes colonies françaises où la démocratie n’est en réalité qu’un simulacre. Martyr de la décolonisation, la Guinée enchaine les rendez-vous manqués avec l’histoire par le seul fait des autocrates qui ont jusqu’ici présidé à sa destinée.
Quid du silence de la Cedeao ?
Le coup d’état démocratique qui vient de se dérouler en Guinée ainsi que les heurts violents qui l’ont jalonné laisse de marbre la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). L’organisation au demeurant si prompte à bondir quand il s’agit de la Gambie et de la Guinée Bissau s’est réfugié dans une inacceptable omerta.
Que vaut cette organisation et son protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance ? La Cedeao s’honore -t-elle en acculant un José Mario Vaz et laisse Alpha Condé se transformer en autocrate ?
Le silence actuel de l’institution sur ce qui se passe en Guinée fait planer un fort risque d’instabilité en Afrique de l’Ouest. Au-delà de tout catastrophisme, il faut s’attendre à une situation similaire pour la Côte d’Ivoire avec Alassane Ouattara et peut être en 2024 avec un certain Macky Sall.
Vue comme un complot contre les peuples, la Cedeao est un adepte de la politique de l’autruche, sauf quand il s’agit de la Guinée Bissau ou de la Gambie.
D’ailleurs lors de la dernière élection présidentielle en Guinée Bissau, la Cedeao avait demandé un recomptage des PV. Osera-t-elle demander la même chose pour la Guinée ? Chiche !
Ndeye Sow Leila, Présidente du Mouvement Liggeyal Sénégal, Membre de la Coalition JOTNA