VOILA, VOUS NOUS AVEZ COMPRIS PRESIDENT! (PAR BRUNO D’ERNEVILLE)
Le peuple, comme au soir du 23 juin 2011 a donné le ton pour rappeler à tous les acteurs politiques la réalité de son pouvoir. Vous avez compris que celui-ci est vraiment entre les mains du peuple malgré l’armement sophistiqué que vous avez donné à nos forces de défense et de sécurité. Ma conviction est qu’une journée supplémentaire sans réaction de votre part pouvait signer la fin pour votre magistère. Chronologiquement, vous saviez qu’il fallait libérer votre prisonnier le plus encombrant avant de vous adresser à la Nation, mais cela signifiait aussi prendre le risque de se voir infliger une déclaration concurrente, préjudiciable à la solennité de la vôtre. C’était le prix à payer pour calmer la furie du peuple. Vous l’avez échappé belle et notre démocratie aussi ! Nous vous avions pourtant encore prévenu !
Désormais, les choses ne seront plus comme avant, mais que faire maintenant ? Certes vous avez fait des promesses aux jeunes, cependant les milliards risquent d’être décaissés dans la précipitation pour seulement enrichir des oligarques assoiffés.
Votre programme Sénégal Emergent a échoué, c’est évident. Votre stratégie de lutte anti covid aussi a fait long feu avec un nouveau virage à 360 degrés relativement à votre couvre-feu dont j’ai critiqué ouvertement l’efficacité. Sous votre magistère l’Etat s’est grandement affaibli : les discours de vos ministres présentant cette révolte comme une oeuvre menée par l’extérieur se sont avérés d’une vacuité affligeante; des personnalités importantes du dossier judiciaire ont préféré se retirer, des révélations graves de complot proviennent de votre propre parti (qui, ce faisant vous interpelle en tant que Président de leur parti et non comme chef de l’Etat), la prise de parole intempestive d’institutions comme le Président du CESE et le Médiateur de la République a terrassé la crédibilité restante de l’Etat.
Et maintenant disais-je ? Il faut avoir le courage de vous extirper de l’impasse où vous pousse votre parti, l’APR. Votre coalition, elle, est en lambeaux et ne participe plus aux débats démocratiques depuis belle lurette. Il faut donc devenir le Président de tous les Sénégalais, en vous plaçant à équidistance de tous, en DÉMISSIONNANT de votre parti ! Sortir de la boîte comme l’on dit ! Et vous pourrez travailler librement puis faire les réformes nécessaires qui seront sans doute les plus pertinentes de vos deux mandats. Revenez aux fondamentaux sur le code électoral sans calcul, fixez les échéances des locales en 2021, renvoyez aux orties le parrainage, instaurez le bulletin unique, appliquez toutes les décisions consensuelles prises par la commission du général Niang et renoncez sans ambiguïté au troisième mandat. Placez vous en hauteur, vous en avez et le temps et les moyens. Sur le plan économique, mieux vaut tard que jamais, créez votre shadow cabinet multidisciplinaire de technocrates et fixez leur des exigences serrées, un calendrier de mise à plat de tous les secteurs et un plan d’actions dénué de tout calcul politicien. Alors vous aurez la chance de terminer votre mandat en toute sérénité. Vous pourrez enregistrer des résultats incontestables y compris en matière d’emploi, qui plus est, avec efficience. C’est le Sénégal qui gagnerait, et vous sauveriez votre image pour l’histoire.
Voici mes recommandations pour vous et pour mon pays. Malgré la douleur que vous avez dû ressentir comme chef contesté, il faut retenir que votre pays a relevé la tête une fois encore, or ce peuple demeure le vôtre. Rendez lui l’honneur qu’il mérite en lui montrant que vous avez vraiment compris ses attentes.
Je ne saurais terminer sans rendre un hommage à notre vaillante jeunesse sénégalaise. Voici la deuxième fois qu’en exactement dix ans ce peuple exerce magistralement sa souveraine puissance sans basculer dans l’incertain. Quelle leçon pour le monde ! Le Sénégal a désormais prouvé qu’il sait exercer une forme de démocratie populaire d’une délicatesse extrême. Notre peuple confirme qu’il sait reprendre en mains, quand il le veut, ce qu’il a confié à ses élus : en 2011 le pouvoir législatif en a fait les frais; en 2021 c’est au tour du pouvoir exécutif.
Je m’incline devant la mémoire de nos disparus durant ces manifestations, ce sont des martyrs de notre république. Paix à leurs âmes. Je présente mes condoléances à leurs familles. Au peuple et au chef de l’Etat, mes condoléances attristées.
L’avenir, pour leur mémoire, doit désormais sourire à notre jeunesse qui demande à être accompagnée, rassurée, formée et intégrée au travail; la Nation le leur doit.
Vive la République, vive la Nation sénégalaise.
Bruno d’ERNEVILLE
Président du Parti pour l'Action Citoyenne (P.A.C)
Membre de la Conférence Nationale des Leaders de la Coalition JOTNA
